Nous écrivions en conclusion dans un texte publié sur notre site, tout au début du mouvement social contre le projet de loi sur la réforme des retraites, ceci :
On peut imaginer le discours de ceux qui sont contre la réforme des retraites (partis de gauche, syndicats), le blabla sempiternel du départ à la retraite à 60 ans pour quarante années de cotisation. Mais réellement ont-il la capacité réelle ou la volonté nécessaire de pouvoir infléchir le projet du gouvernement au parlement ou dans les commissions paritaires? Pas sur ! Difficile à imaginer pour celles et ceux qui depuis des lustres se sont si souvent mobilisés ; ils savent par expérience que sans l’unité, sans l’auto-organisation à la base sur son lieu de travail etson occupation, et sans la volonté farouche de l’ensemble des travailleurs et la solidarité active de l’ensemble de la population, rien ne se fait et rien ne se fera.
Les dirigeants syndicaux ont très vite compris que l’ensemble des travailleurs et travailleuses avec ou sans emploi et de la population ne voulait pas de cette réforme.
Ils étaient informés par les infos remontant des sections locales que les travailleurs étaient prêts à engager un bras de fer contre ce gouvernement déterminé à faire passer cette réforme et les suivantes. Toutes ces réformes auront un impact négatif sur la classe ouvrière.
Afin d’éviter que le mouvement ne leur échappe, les dirigeants syndicaux ont joué la carte de l’unité, en imposant une intersyndicale de dirigeants avec comme porte-parole M. Laurent Berger. Nommer le secrétaire confédéral de la CFDT à la tête de l’intersyndicale comme interlocuteur essentiel auprès de la première ministre permettait de prédire le futur de cette lutte…
A l’appel des organisations syndicales, des secteurs stratégiques et d’autres ont suivi les mots d’ordre et se sont mis en grève. Les raffineurs, les éboueurs, les ports, les transports, l’ éducation, la santé, l’énergie etc…, le secteur privé a été peu impacté par le mouvement.
Les dirigeants syndicaux, sentant la « bronca » gonfler à mesure qu’ils lançaient des journées de grèves non-reconductibles, s’appuyèrent sur les partis de gauche afin que les manifestations massives servent de caution aux députés lors des discussions au parlement sur le projet de réforme des retraites. La bonne blague !!
A partir du passage en force au parlement par l’article du 49.3 de la constitution, quelques secteurs se lançaient dans la grève reconductible. L’auto-organisation des grévistes s’est mise en place par l’entraide physique sur les lieux d’occupation empêchant les réquisitions de grévistes dans les raffineries et la sortie des camions de travailleurs éboueurs réquisitionnés dans les centres de recueil des déchets.
Cela fait six mois que l’ensemble des travailleurs bat le pavé, alors que tous les « ingrédients »sont favorables pour que « la mayonnaise prenne comme on dit » : caisse de grève, occupation des lieux de travail, soutien de l’ensemble de la population exploitée, concerts de soutien afin de récolter des thunes furent organisées par les travailleurs et quelques intersyndicales locales, pour une issue victorieuse et rapide du mouvement
L’intersyndicale des dirigeants syndicaux en morcelant ainsi les actions, les travailleurs se sont trouvés coincés entre un désir de poursuivre la lutte et un discours de l’intersyndicale appelant les partis politiques de gauche notamment, mais pas que, pour que le parlement vote rapidement contre le projet de loi.
Les leaders syndicaux après des discours pompeux dans les médias (à la solde du pouvoir) se gargarisant de la dignité du prolétariat dans les cortèges pacifistes et bien encadrés, le leader de la CFDT reprenant à son compte la suppression de l’article 1 du nouveau texte par la présidente de l’assemblée nationale, siffle la fin du match le 06/06/2023 en direct à la télévision. « Circulez, camarades, y a rien à voir ».
Le leader de la CGT a terminé son mandat pendant le conflit pour une retraite…bien méritée.
Est-ce que les sections syndicales de la CGT les plus combatives comme à Marseille comme dans la Seine St Denis comme les raffineurs de Rouen se sont fait remonter les bretelles, on ne le saura pas.
Le fait d’interférer entre les actions, tantôt le parlement, tantôt la rue, les élites syndicales
ont renié les principes fondateurs du syndicalisme, en général. Ils ont piétiné la Charte d’Amiens, et le caractère naturellement révolutionnaire du syndicalisme. Elle a été jetée aux oubliettes depuis longtemps alors que c’est une référence historique du syndicalisme en France et en particulier du syndicalisme révolutionnaire et du syndicalisme de lutte.
La Charte d’Amiens reconnaissant la lutte de classe, elle à chargé le syndicalisme d’un double objectif : la défense des revendications immédiates quotidiennes des travailleurs et la lutte pour une transformation radicale de la société par l’expropriation capitaliste en toute indépendance des partis politiques et de l’État.
Elle préconise comme moyen d’action la grève générale.
Si l’on considère que la Charte d’Amiens a défini l’indépendance du syndicalisme par rapport aux politiques, elle reconnaît tout de même la libre action des partis politiques dans la transformation sociale. Mais en spécifiant que l’œuvre du syndicalisme est de préparer l’émancipation intégrale par la grève générale qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste et que l’émancipation des travailleurs ne sera l’œuvre que des travailleurs eux mêmes, la réorganisation sociale se fera sur les bases définies par les travailleurs syndiqués ou non sur les lieux de travail en assemblées générales en accord avec l’assemblée générale des habitants des villes et campagnes organisés dans les communes.
Aujourd’hui, en plus avec la montée de l’extrême-droite bras armé du capitalisme pour détruire toutes les revendications sociales, on peut s’interroger, naturellement, sur la place des partis politiques et de leur nécessité pour la classe laborieuse ?