Depuis longtemps déjà, l’armée est entrée à l’école : elle y organise même des levers de drapeau avec des colonels en uniforme, des médailles, des jeeps et tout le saint-frusquin. Dans les collèges et lycées, plus de 500 “classes de défense” incarnent, selon les militaires, “la vitalité du lien armées-jeunesse à travers l’ensemble du territoire” (site du ministère désarmé des armées). Elles témoignent surtout de la complicité hyperactive de l’Éducation Nationale (EN) dans l’endoctrinement patriotique des enfants.
Le rotary club et le lions club fréquentent eux aussi assidûment l’école, notamment sous le couvert d’actes de bienfaisance. Main dans la main avec l’EN, ils œuvrent à la préservation de leurs intérêts de classe en inculquant aux enfants la charité, cette vieille gardienne de l’ordre social.
Les patrons également sont bien implantés à l’école via l’orientation, la mainmise sur les filières professionnelles, le financement de certains équipements, mais aussi parce que l’EN leur procure des travailleurs presque gratuits et immédiatement exploitables : les apprentis.
Avec le “passeport Educfi” (Educfi = éducation financière), l’EN franchit un cap supplémentaire dans l’embrigadement des jeunes. La note de service du 28 juin 2022 plante le décor : “Dans le cadre du développement d’une éducation économique, budgétaire et financière pour tous les élèves, dès l’école élémentaire et tout au long de la scolarité, le ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse a signé une convention avec la Banque de France.” Puis elle annonce la naissance du “passeport Educfi” qui “est l’outil privilégié de la mise en œuvre de l’Educfi dans les collèges.” Elle énumère les “compétences” qui “doivent être construites dès le plus jeune âge”, parmi lesquelles :
– “apprendre à construire et respecter un budget
– comprendre que l’épargne, lorsqu’elle est possible, est utile pour faire face à des imprévus ;
– mesurer le coût d’un crédit, car un crédit est rarement gratuit ;
– savoir à qui s’adresser en cas de difficultés…”
Dans chaque académie, le “passeport Educfi” sera “piloté” par un inspecteur de l’EN associé à un représentant de la banque de France ; et les professeurs pourront suivre des formations “dans les succursales de la Banque de France à chaque fois que cela sera possible.” Le travail se fera “à partir d’un diaporama fourni.”
Par contre, la note de service ne précise pas les conséquences pour un élève qui n’obtiendrait pas le passeport : sera-t-il interdit de séjour bancaire ?
L’EN justifie ce “déploiement” par la lutte contre la pauvreté : “Dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, la France a adopté une stratégie nationale d’éducation financière (stratégie Educfi)…” Le partenariat avec la banque de France, dont l’aristocratique directeur, François Villeroy de Galhau, descend d’une famille de grands industriels (Villeroy et Boch), n’est pas une blague. Au contraire, tout est logique et bien orchestré si l’on envisage la lutte contre la pauvreté du point de vue de Villeroy le Galeux et sa bande : il s’agit encore et toujours de préserver les intérêts et l’opulence des classes dominantes. Pour les autres, des miettes avec, en prime, des cours pour qu’ils apprennent à les faire durer et à s’en contenter. L’Educfi est une propagande violente destinée à soumettre dès leurs tendres années les futurs ennemis de classe, à tuer dans l’œuf les révoltes de demain. C’est la reproduction sociale qu’on martèle dans le cerveau des pauvres gosses et surtout des gosses pauvres. L’Educfi est une nouvelle arme, forgée par la banque de France et l’EN, et braquée sur des enfants.