Article écrit par un militant de Bordeaux et paru dans le Combat Syndicaliste n°232 – Mars/Avril 2011.
On peut lire dans ACRIMED [[http://www.acrimed.org/article3536.html]] un excellent article sur le traitement de l’information par les médias, concernant les révoltes dans les pays arabes. Les auteurs insistent à juste titre sur l’utilisation du mot « contagion », plutôt de mauvais augure, dans la plupart des médias. La révolution est-elle une maladie ? Le soulèvement d’un peuple contre ses oppresseurs est-il une infection dont il faut se prémunir ? Personnellement, j’aimerais bien qu’on le chope ce microbe. Pas les journaux, pas les télés. Il faut dire qu’ils s’en prendraient plein la gueule les directeurs de ces médias : ils ont du voir le sort qu’on a réservé en Tunisie à leurs confrères !
Cette maladie dont semble être atteint de plus en plus de pays arabes était imprévisible disent ces spécialistes, puisqu’elle était imprévue (drôle de raisonnement !). Les experts en tous genre de ces journaux et télés qui n’avaient donc rien prévus continuent pourtant de pérorer, sans honte aucune pour leur incompétence que ces évènements viennent de démontrer…
Quand en Europe, l’Espagne, la Grèce, la Grande Bretagne, la France et j’en passe, les gens sont descendus dans la rue, on n’était pas contagieux : chaque pays avait ses propres raisons de souffrir, que des maladies différentes ; ici à cause des retraites, là pour l’université, ailleurs contre les réponses apportées par les états à la crise financière…Bref, chacun sa maladie ou presque.
Pourtant devant tant de symptômes semblables, nos médecins-journalistes-experts n’ont pas essayé de voir s’il y avait derrière tout ça une même et unique maladie : le ras le bol des peuples contre le capitalisme et ses conséquences par exemple. Ou la défiance contre un pouvoir hautain et méprisant. Non, les experts n’ont rien vu de tel, au contraire ; c’était même pour eux des maladies psychosomatiques. Du stress tout au plus, causé par les nécessaires réformes dues à la mondialisation, au progrès, etc. Dans les pays arabes c’est pas pareil: ils sont musulmans (et donc dangereux), c’est ça qui explique l’épidémie. ça n’a rien à voir avec la misère de chez nous, leur misère!
Et pourtant, en Europe comme en Orient, c’est peut-être la même maladie qui s’est insinuée dans le corps des états. Le pouvoir qui est remis en question, celui qui décide pour le peuple dans l’intérêt de quelques nantis, de banques et de multinationales.
Les mêmes causes n’entraînent pas les mêmes conséquences comme on le voit [[de la même façon qu’une chose imprévue n’était pas forcément imprévisible]]. Mais en Europe, on a des syndicats, plein de syndicats très copains avec le pouvoir. On a plein de partis politiques qui courent après le pouvoir. On a plein de journaux, de revues, de chaînes de télé qui dépendent du pouvoir pour leur existence. Alors bien sûr, ça calme vite le populo !
En Orient, c’est pas pareil : ils n’ont qu’eux-mêmes, pas de syndicat autre que celui du pouvoir, pas de médias autres que ceux du pouvoir, pas de partis autre que celui au pouvoir. Il n’y a que le populo, livré à lui-même, c’est-à-dire libre. Ça change les choses, non ?
Alors, pour obtenir quelque chose de nos pouvoirs européens, si on faisait comme si on n’avait plus de syndicat copains avec le pouvoir, plus de partis qui veulent le pouvoir, plus de médias qui dépendent du pouvoir ? Si on faisait comme s’il n’y avait rien, comme chez eux, on se prendrait en charge et on obtiendrait ce qu’on aura décidé. On gagnerait, quoi.
Chomsky [[http://www.algerie-focus.com/2011/02/02/]] remarquait récemment que les grandes puissances économiques et en premier lieu les USA n’ont aucun intérêt à ce que les choses changent au proche et moyen orient. Sans doute feront-ils pour eux ce qui a été fait chez nous : quelques miettes (des concessions dit-on) et ça repart ! Mais ce qui est semé est semé, et l’humanité ignorant les frontières, il arrivera un jour nouveau où la convergence des luttes se fera contre le capitalisme partout dans le monde.
C’est le rôle de l’AIT que de développer ce sentiment qu’il n’y a pas de patrie au malheur ni de patrie à la révolte, que l’atteinte à la liberté d’un seul sur cette terre est une atteinte à la liberté de chaque humain. Développer l’AIT et chacune de ses composantes est un moyen crédible de lutter contre les frontières qu’on impose à nos luttes. De montrer que partout sur terre, les travailleurs et travailleuses sont capables de s’organiser, sans dieu, sans maître, sans tribun.