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les vaches maigres

Article écrit par un militant de Bordeaux et paru dans le Combat Syndicaliste n°232 – Mars/Avril 2011.


T’es trop pleutre pour braquer le proxi, trop pauvre pour acheter de quoi dealer ensuite, trop inapte pour trouver un « vrai emploi », et de toutes façons y’en a pas, ça servirait à rien de te tuer d’angoisse en allant à Pôle Emploi. T’es trop con ou trop honnête pour frauder. T’es pauvre, t’es con, et on est bien contents.

Y’a rien.

Y’a rien que la misère qui s’étend, tes copains dans la merde et toi aussi, le système D, les ponctions permanentes sur le peu de sous que tu as. Si t’en as pas on fait en sorte de taxer ton bocal de pièces jaunes. Pour fumer, par exemple, parce qu’arrêter de fumer quand ça va mal, c’est pas imaginable. Parce que les pauvres, y’a que comme ça qu’on peut piquer la thune qu’ils n’ont pas : l’addiction ou le rêve de lendemains meilleurs, le tabac, l’alcool et le loto. On réduit les remboursements de la sécu, comme ça le pauvre ne va plus soigner son cancer ni même le faire dépister. De toutes façons il va pas voir le médecin, le pauvre n’a pas les moyens de s’offrir une mutuelle et il va falloir qu’il tente de mettre de côté des sous pour la retraite qu’on lui a volée. Et puis de toutes façons, bientôt y’aura plus d’hôpitaux publics, qu’est-ce qu’on en a à foutre, on va se soigner dans des cliniques privées grand luxe, la bouffe dans le public est exécrable.

Comme ça, ça fait des pauvres qui crèvent vite, c’est pratique. Le ménage par le vide. Ça ne nous coûte rien.

De toutes façons la sécu, dans pas longtemps, ça ne sera plus qu’un beau souvenir. Comme tous tes droits, tous tes sacro saints acquis, t’as même oublié que des gens se sont battus pour les obtenir, c’est bien, ça nous facilite la tâche pour les détruire, un par un, jusqu’au dernier.

Si les pauvres crèvent pas de cancer, du tabac, de l’alcool, du travail, ou du stress, on les relègue le plus loin des villes, à grand coups de réhabilitation des quartiers populaires.

Les pauvres, c’est moche et ça n’irait pas avec les nouveaux bancs en tôle frappée ou en béton ciré qu’on a prévu. Alors quand il ne sont pas déjà morts, on les déporte. Plus loin en banlieue quand ils ont leurs papiers, aux frontières quand ça n’est pas le cas. On veut la libre circulation, mais des capitaux, t’as pas bien compris ce que c’est que l’Europe qu’on nous a vendue. Alors ferme ta gueule et trime, tu déranges avec tes geignements.

Laisse l’économie aux spécialistes, ils savent mieux que toi ce qui est bon pour les riches.

On le sait, qu’on te met à la rue, on s’est même arrangé pour que tu ne puisses pas t’y construire un toit de fortune, pour voir combien de temps tu tiens. Un petit jeu amusant, dans notre morne existence de riche.

Tu vas payer de ta santé, de ta vie amoureuse, de ta santé mentale, de ton existence toute entière pour que je puisse continuer à rouler en 4×4 en baffrant du thon blanc par quintaux, tu vas payer de ta vie pour que je puisse loger dans mes 280 mètres carrés avec 5 chiottes alors qu’on est que 2 à vivre dans cet appart bourgeois mouluré du sol au plafond, tu vas payer de ta vie mes pur-sangs, seuls arabes tolérés dans mon entourage, et je les ferai abattre quand ils ne rapporteront plus la thune des paris que tu fais au PMU entre deux ballons de piquette. Tu es né pauvre, tu vivras pauvre, tu crèveras pauvre.
C’est le prix à payer pour mon confort, je n’aurai aucune espèce de pitié, je ne ferai preuve d’aucune empathie. D’ailleurs, je ne sais même pas que tu existes, je me sers, je mange et je chie le fruit de ton travail, c’est tout.

Crève.