Article paru dans le combat syndicaliste écrit par un adhérent du syndicat de Bordeaux
Après l’apéro républicain lancé par l’extrême droite qui, ce coup-ci, a décidé d’avancer masquée[[Voir à ce sujet la page Facebook de Résistance Républicaine, et notamment les commentaires révélateurs…]] (le clan, le clan la Cagoule), voilà-t-y pas que je découvre cet appel à une
manifestation partout en France (avec toutefois un intérêt plus appuyé pour Paris…) sous le mot d’ordre : « Face à la xénophobie et à la politique du pilori : liberté, égalité,
fraternité », accompagné d’une sorte de pétition à signer en ligne[[http://nonalapolitiquedupilori.org 3 Discours du 11 mai
1907, reproduit en partie dans le n°34 de La Revue de l’Enseignement Primaire (19 mai 1907)]].
Bien. En bon communiste libertaire, j’aurais bien évidemment préféré un intitulé du genre « Contre la démocratie libérale, contre l’état et contre le pouvoir, pour redonner leurs
vraies définitions aux mots liberté, égalité et fraternité », mais je ne fais pas la fine bouche et m’accommode tant bien que mal de cette timide révolte. Mais, car il y a bien sûr
toujours un mais chez ces empêcheurs de tourner en rond de révolutionnaires, un petit détail relevé par un compagnon me chagrine quelque peu : la date choisie pour cette
manif. En effet, et je pense que je n’aurais jamais fait le lien tout seul, le 4 septembre est tout simplement la date anniversaire de la proclamation de la Troisième République.
D’accord, la Troisième République a eu ses hauts avec, notamment, la séparation (à défaut d’abolition) de l’église et de l’état, l’école gratuite, la liberté de la presse et la
liberté syndicale. Mais, tout au long des soixante-dix ans qu’elle aura duré, les bas l’emportent haut la main avec, dans le désordre : le retour à l’ordre moral, l’expansion
coloniale, l’affaire Dreyfus, les lois scélérates, la première Guerre Mondiale, etc. Le point le plus notable étant la Semaine Sanglante, ou comment faire acte de naissance en
enterrant la Commune de Paris dans le sang. Je vous laisse le soin de vous renseigner vous-mêmes pour plus de détails via internet ou la bibliothèque municipale du coin.
Donc, outre parader aux côtés de partis politiques et syndicats qui me parlent autant que Jaurès condamnant les ouvriers pratiquant le sabotage3 (je mets les assos à part, du
moment qu’elles ne sont pas financées par ces mêmes partis et syndicats), faire ça le jour de la date d’anniversaire de cette république ultra-conservatrice et meurtrière, ça
fait un peu mal à mon petit cul libertaire (et en plus ça me rend grossier). Parce qu’après tout, cela reviendrait presque à célébrer la République actuelle qui m’a l’air bien
partie ces derniers temps pour nous jouer un remake de la Troisième République en rewind, supprimant toutes les avancées sociales pour revenir à un régime monarchiste et
ultra- conservateur. Thiers et Mac Mahon doivent frémir de joie dans leurs tombes…
Mais ce qui me gêne le plus dans tout ça, c’est que personne n’a (à ma connaissance, qui n’est pas universelle) soulevé le lien pourtant évident entre la question des retraites
et l’affaire Woerth- Bettencourt, et le coming-out sécuritaire et xénophobe du gouvernement. Un conflit social et un scandale politico-économique : c’est le moment de sortir
quelques bonnes grosses lois d’extrême-droite qui, non seulement révèlent les réelles intentions du gouvernement, mais lui permettent également de mettre discrètement au
placard tous ces sujets qui faisaient enrager le peuple. Ni vu ni connu j’t’embrouille. D’une pierre deux coups. Un train peut en cacher un autre. Mais j’ai comme l’impression
que je m’égare…
Bref. J’imagine les responsables syndicaux devant leur calendrier : « Bon, le 4 septembre, on gueule contre les fachos. Okay, ça c’est fait. Après y’a quoi déjà ? Ah oui, les
retraites le 7 septembre. Bien. Ça serait pas mal de caser un truc le 10 tiens. Faudra que j’en parle aux collègues. » Ouais, c’est chouette, mais pourquoi ne pas grouper ces
luttes ? « Hop hop hop, s’indigne le responsable sus-cité, faut jamais mélanger social et politique mon gars ! T’es ouf toi. » Oui, je suis complètement guedin, et j’espère bien
qu’à la base, quelques-uns auront la bonne idée de proposer de regrouper toutes ces luttes en une seule, et de ne pas manifester tel ou tel jour en se limitant à tel ou tel
point, mais de lancer une grève générale, globale, et sans limite de temps. Tiens, on n’aurait pas un rôle à jouer là, à la CNT-AIT ?
JM