Le syndicat de Bordeaux vous propose l’un des articles de notre revue le Combat Syndicaliste
On peut se rappeler, tout au moins, pour tous ceux et celles qui ont vécu ou participé aux grèves de l’année 2003 pour la défense du régime des retraites, que le mot
d’ordre “grève général” était dans toutes les manifestations et lancé par la base syndicale. Pour autant ces milliers de personnes scandant ce mot issu du syndicalisme
révolutionnaire du début du 20ème siècle en connaissent-ils l’importance et l’impact?
De leur côté, les dirigeants syndicaux, les collaborateurs patentés du patronat et de l’Etat, peu importe la couleur politique de ceux qui gouvernent, en connaissent bien la
portée. Ils la redoutent car la grève générale est porteuse de valeurs de solidarité, de combativité, d’organisation et de participation horizontale, de force sociale et de prise
de conscience de classe.
La grève généraliste, terme employé à l’époque, fut reconnue par la charte d’Amiens en 1906 comme l’outil par excellence de l’émancipation de la classe ouvrière. Ce n’est
pas un hasard si nos anciens camarades ont choisi cette nouvelle idée de forme de lutte. Elle représentait une alternative à la stratégie blanquiste des révolutionnaires du
siècle passé et procédait à la constatation de l’inutilité des anciennes tactiques insurrectionnelles. Cette nouvelle idée naquit aussi de la conviction que l’émancipation des
travailleurs doit être le fait des travailleurs eux-mêmes, et non le fait des professionnels de la politique. Très vite, face aux multiples critiques suscitées par la forme revêtue
à l’origine de cette nouvelle notion, les syndicalistes, afin de parer l’objection que la grève générale appliquée seulement à des revendications matérielles mènerait
rapidement à affamer les travailleurs, pensèrent que la grève générale devrait être aussi expropriatrice.
Le socialisme international de cette époque n’éprouve que répugnance et incompréhension à l’égard d’une idée dont l’émergence vient remettre en cause les bases
mêmes de l’action politique et leurs sempiternelles manies de parler au nom de la classe ouvrière. Même le syndicalisme international de l’époque n’apprécie pas trop cette
nouvelle forme de lutte car il est déjà assujetti aux partis politiques.
Les syndicalistes français s’inspirèrent de la première internationale qui était dans tous les esprits encore.
Le congrès de l’AIT de 1868, à Bruxelles, avait déjà envisagé une grève universelle contre la guerre.
De 1869 à 1870 de nombreuses grèves partielles éclatèrent un peu partout en Europe. Mais les faibles résultats obtenus par les travailleurs furent loin d’être à la hauteur des
efforts consentis. Dès lors, l’idée de grève générale commença à être envisagée sérieusement au sein des associations ouvrières.
L’idée de la grève générale eut aussi des détracteurs, certains libertaires dénoncèrent ses limites, d’autres l’examinèrent comme une idée marxiste. Il reste évident,
aujourd’hui, que le syndicalisme révolutionnaire français n’aurait pas été ce qu’il fût sans l’entrée des anarchistes dans les syndicats. Ils y laissèrent des traces profondes et
reconnaissables comme l’antimilitarisme, l’action directe, le sabotage, la méfiance envers l’Etat, les politiciens et le parlementarisme.
Très vite avant le front populaire, Sorel comprit la capacité de la force émancipatrice de la grève générale. Il écrivit à ce sujet ” la grève est un droit absolu, il est le choc
décisif entre deux droits inconciliables, le droit patronal et le droit ouvrier, celui-ci négation de celui-là.” Et c’est cela que, quelques années plus tard, l’occupation des
usines a mis en lumière. La grève générale se radicalisera avec l’occupation des entreprises.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, la grève générale avec ses occupations d’usines en 1936, tout du moins en France, ne revêtit pas un caractère révolutionnaire
pour autant, malgré un climat insurrectionnel en Europe.
Après la guerre, beaucoup de grèves éclatèrent, mais il faut attendre 1968 pour que de nouveau la grève générale apparaisse.
Les deux plus grandes grèves générales en France n’ont jamais été décrétées par personne ; c’est une convergence extraordinaire et spontanée de tous les mouvements de
grèves et de luttes.
La grève générale porte la négation radicale du droit patronal et elle nie la propriété capitaliste et de la manière la plus brutale. Elle affirme aussi la volonté
émancipatrice du prolétariat. Toutefois pour que la grève générale soit essentiellement révolutionnaire, elle doit être aussi expropriatrice et doit permettre au prolétariat de
prendre en charge la production des biens mais aussi l’échange et la répartition des richesses.
Texte individuel d’un sympathisant du syndicat de Bordeaux
Michel-Angel